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Entretien avec Jean-Marc Roirant

Le secrétaire général de la Ligue de l'enseignement, Jean-Marc Roirant, nous a accordé un long entretien au cours duquel il présente l'édition 2014 du salon européen de l'éducation mais également des axes de réflexion pour réduire le décrochage scolaire. Propos recueillis par Jean-Philippe Élie

Pouvez-vous nous présenter la 16e édition du Salon européen de l’éducation ? Quelles sont les nouveautés cette année ?

Jean-Marc Roirant : Le thème a l’honneur de cette 16ème édition est « enseignement professionnel, alternance, apprentissage facilitent l’emploi des jeunes ». Nous avons souhaité – en accord avec le ministère de l’Éducation nationale – parler de l’emploi des jeunes, d’alternance, d’apprentissage et d’enseignement professionnel. Des mots souvent, trop souvent, associés à l’idée d’échec scolaire ou de pression de l’économie sur la scolarité. Or, au regard des 150 000 décrocheurs scolaires, on se dit que l’effort à produire doit aller dans cette direction.

En 2010, vous aviez accueilli les Olympiades des métiers, c’était déjà un premier pas de l’école vers l’entreprise. Faut-il croire que rien n’a changé depuis quatre ans ?

JMR : Ce n’est pas complètement vrai. En quatre ans, ces thématiques sont de plus en plus présentes. Avec l’Aventure des métiers et l’Onisep, une place importante est consacrée aux questions du décrochage scolaire et de la sortie des jeunes du système scolaire sans qualification. En France, l’enseignement professionnel est trop souvent dévalorisé. Nous travaillons sur le développement des formations professionnelles qui ne renoncent pas à une réelle ambition citoyenne et culturelle et qui donc intègrent les exigences d’une formation générale et permettent de faire baisser le nombre de jeunes quittant le système scolaire sans aucun diplôme et de renouveler des emplois dans des métiers où un risque de pénurie existe.

Comment l’enseignement professionnel sera-t-il mis en valeur sur le salon ?

JMR : Le ministère de l’Éducation nationale a mis en place, sur son espace, un parcours d’exposition avec des animations autour de la relation école-entreprise et de l’enseignement professionnel. Les jeunes pourront se renseigner sur des stages pré/post bac ainsi que sur la formation en alternance. Le statut d’étudiant entrepreneur sera également présenté. La région, quant à elle, a invité cinq filières de formation qui sont, à mon avis, des métiers d’avenir : l’hôtellerie-restauration, le tourisme, l’éco-construction, les métiers de la créativité autour des filières du numérique, les métiers sanitaire et social. De plus, la région se focalisera sur les métiers « verts ».

Sur le salon de l’orientation, l’Onisep met notamment l’accent sur les parcours dans l’enseignement professionnel et leurs débouchés, ainsi que sur les modes de formation (statut scolaire, apprentissage, alternance). En échangeant avec les représentants des lycées professionnels, des centres de formation d’apprentis (CFA), les élèves pourront découvrir l’offre de formation de l’enseignement professionnel et les différents modes de préparation aux diplômes professionnels.

Des enseignants me disent que faire entrer l’apprentissage à l’école c’est faire entrer l’entreprise, et qu’ils sont donc contre cette idée. Que pensez-vous de cette posture ?

JMR : Nous, éducateurs et responsables de mouvements d’éducation populaire comme la Ligue de l’enseignement, nous avons eu peur, à un moment, que l’on revienne sur la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans et le collège unique. Il faut refuser la logique d’orientation précoce vers l’apprentissage avant la fin du collège. Pour autant et au-delà de 16 ans, nous avons tout intérêt à mieux articuler et valoriser les filières de l’enseignement professionnel et celles de l’apprentissage et de la formation professionnelle mises en œuvre par les régions. Cette nouvelle gouvernance partagée des politiques publiques entre l’État et les collectivités, les conseils régionaux, doit garder à l’esprit un souci d’égalité, d’insertion sociale et citoyenne et pas uniquement professionnelle des jeunes.

Quels sont vos liens avec le salon Educatec-Educatice ?

JMR : C’est un lien très fort. En créant le Salon de l’éducation, nous avons rassemblé sur un même espace d’environ sept hectares tous les salons déjà existants. Notre force, c’est d’avoir su fédérer des gens qui organisaient des salons dans toute la France pour donner de la cohérence à l’ensemble.

Le salon est gratuit depuis 2009. Qu’a changé pour vous la gratuité ?

JMR : Pour nous, très peu de choses. Déjà par le passé, nombreuses étaient les personnes invitées : enseignants, étudiants, élèves… Notre salon est très fréquenté, avec près de cinq cents mille visiteurs chaque année et la gratuité n’a pas entraîné une plus forte fréquentation. Nous voulions que l’accès soit gratuit depuis très longtemps et cela a été rendu possible grâce à nos majors partenaires.

Le salon vous rapporte de l’argent ou c’est une opération blanche ?

JMR : Économiquement, il s’agit d’une opération blanche. Nous équilibrons nos comptes principalement avec les apports du Conseil régional, de la Ville de Paris, de la Maif, de la MGEN et de la Casden. Mais, politiquement, c’est une énorme opération car nous nouons en quatre jours de nombreux contacts en amont et en aval avec l’ensemble des ministères et des institutions.

Vous avez évoqué tout à l’heure le décrochage scolaire. Comment expliquer qu’au XXIe siècle, 150 000 jeunes Français sortent de l’école sans aucun diplôme ?

JMR : C’est un problème de fond. Les études PISA montrent que notre système scolaire pénalise particulièrement les élèves les plus faibles et que l’écart se creuse avec les meilleurs. Nous appelons depuis une dizaine d’années à une refondation de l’école pour remédier à cela. Toutes les propositions qui ont été faites par Vincent Peillon ont été dans le bon sens, mais nous craignons aujourd’hui de nous arrêter au milieu du guet. Un changement de ministre à trois reprises en peu de temps nous inquiète. Mais tous les éléments pour prévenir et lutter contre le décrochage scolaire sont dans la refondation : la nouvelle priorité donnée au primaire, les modifications des contenus et des pratiques pédagogiques induites par le nouveau socle commun, la remise en place d’une vraie formation pour les enseignants et les éducateurs, le nouveau plan pour l’éducation prioritaire et les dernières annonces de la ministre sur le décrochage.

Que proposez-vous pour réduire ce décrochage scolaire ?

JMR : Il faut resserrer les liens entre l’école et l’ensemble des partenaires de la communauté éducative et articuler les prises en charge tant sur le temps scolaire que sur l’ensemble des temps éducatifs de l’enfant et du jeune, en lien étroit avec les familles. C’est, par exemple, le partenariat que nous menons depuis plus de 12 ans avec l’Éducation nationale autour des ateliers relais. Pendant quelques semaines et de manière temporaire, nous leur proposons des prises en charge adaptées sur le temps scolaire. Nous visons autant des objectifs de rescolarisation que de resocialisation en travaillant sur l’estime de soi, l’appétit pour les savoirs et la construction d’un projet personnel. Il ne s’agit pas de se substituer au travail de l’école mais de récréer les conditions d’une reprise de formation durable.

« Il faut resserrer les liens entre l’école et l’ensemble des partenaires de la communauté éducative. »On voit bien l’importance pour l’institution scolaire de mettre en place des systèmes de différenciation pédagogique qui préservent l’ambition d’un cadre commun de scolarisation pour l’ensemble des enfants et qui développement des logiques de personnalisation et d’accompagnement des parcours, notamment pour les plus faibles.

Comment faire pour que cet enseignement standardisé soit un peu plus individualisé ?

JMR : Pour nous, il s’agit plus de personnaliser l’accompagnement des jeunes que d’individualiser les prises en charge. Il est important de préserver le cadre commun et collectif où les jeunes apprennent ensemble à vivre ensemble. Cela suppose de faire progresser l’école dans le sens de pédagogies plus différenciées et plus actives. Pour cela, il faut plus de travail en équipe, une cohérence renforcée entre l’école primaire et le collège, et surtout sortir de la vision d’un collège qui serait uniquement une préparation au lycée général. Cela suppose de promouvoir l’innovation et de renforcer la formation initiale et continue des enseignants.

Le socle commun de connaissances et de compétences n’est-il pas justement là pour donner du sens à ce savoir ?

JMR : L’idée du socle est précisément de repenser les finalités, les pratiques et l’évaluation pour sortir d’une approche trop magistrale, descendante et cloisonnante des savoirs. C’est important que les jeunes articulent mieux ce qu’ils apprennent à l’école et tout ce qu’ils apprennent en dehors : dans la famille, devant les écrans et surtout, pour nous, dans les temps de loisirs organisés etc.

Par ailleurs, ce socle vise à doter l’ensemble d’une génération d’une culture commune nécessaire pour qu’ils se construisent en tant que citoyens et acteurs responsables et solidaires.

Selon certains enseignants, les adolescents seraient de moins en moins attentifs et de plus en plus intolérants. Le constatez-vous également ?

JMR : Les jeunes sont de plus en plus sollicités par ce que l’on appelle la société de l’information. Ces multiples sollicitations sont très influentes dans la construction de leurs représentations et leur rapport au monde. Ce qui peut parfois apparaître comme une culture du zapping questionne profondément un rapport aux savoirs scolaires qui repose plus sur la distanciation et le temps long. Intolérants ? Je ne crois pas qu’ils le soient plus avant. On est souvent un peu victime d’une illusion d’un passé plus ou moins rêvé. Beaucoup de jeunes s’engagent aujourd’hui de manière bénévole mais comme dans toutes les périodes de crise, nous devons être vigilants sur les replis identitaires.

Quelles sont les finalités de l’école pour la Ligue ?

JMR : De faire des citoyens solidaires ! C’est ce que nous avons dans notre patrimoine génétique depuis 150 ans : favoriser l’accès à l’éducation et à la culture pour faire des citoyens, c’est-à-dire des êtres conscients, actifs et responsables, capables de déchiffrer leur environnement, de le lire mais aussi de peser sur les transformations de la société.

La formation des enseignants a été délaissée par l’Éducation nationale pendant des années. Vincent Peillon a donc créé les Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (Espé). Si sur le papier le projet est séduisant, dans les faits les Espé sont dispersées au sein des universités et elles sont devenues un enjeu de pouvoir entre universitaires. Au final, rien n’avance...

JMR : Vous avez en partie raison. Il est clair que la précipitation et le défaut d’anticipation n’ont, pour l’instant, pas permis de développer l’ensemble de l’ambition pour porter ces Espé dans la loi. Il est essentiel pour nous qu’ils deviennent à terme de réels espaces de formation commune de l’ensemble des éducateurs. Force est de constater qu’aujourd’hui, nous en sommes encore à des ajustements parfois très conflictuels entre les universités et les rectorats qui laissent peu de place à des réflexions plus globales sur la nécessaire transformation des métiers de l’éducation.

On comptait beaucoup sur les Espé pour la formation continue…

JMR : Certes les Espé ont un rôle à jouer dans la formation continue mais ce ne sont pas les seuls acteurs mobilisables sur ces questions notamment si nous visons une culture partagée entre tous les acteurs éducatifs

Comme vous l’avez dit, on change de ministre tous les 18 mois. À force de faire, défaire, refaire, dans dix ans rien n’aura changé. Or j’ai bien peur que l’Éducation nationale n’ait plus dix ans devant elle…

JMR : Il est clair que l’école a besoin de temps pour évoluer et que le temps politique, dans la période actuelle, en laisse peu. Aujourd’hui, l’école est remise en cause dans sa capacité à préparer les jeunes au monde de demain. L’enjeu actuel est la survie d’une école commune et démocratique. Pour l’ensemble de la société, c’est un enjeu central dans la préparation de notre avenir commun.

En savoir plus

Le salon européen de l'éducation se déroule à Paris Expo - Porte de Versailles, du jeudi 27 au dimanche 30 novembre 2014, de 9H30 à 18H00. Entrée gratuite.

La rédaction de la Revue de l'éducation vous accueille pendant ces quatre jours sur le stand CE 56 (carré éducatif).

Dernière modification le vendredi, 13 novembre 2015 10:43

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